Je continue sur ma lancée, hier Perseo et Moreno, aujourd’hui Coral et Salsa
Elles sont toutes les deux de la même cuvée si je puis dire, celle de janvier 2014.
Je vais commencer par Coral.
Pour elle j’ai longuement hésité parce qu’elle est vraiment bien « frappée ».
Eh oui, c’est une bonne cuvée, un an d’âge, et si elle reste ici elle n’est pas prête de se bonifier, c’est pas comme le bon vin.
Qui va bien vouloir adopter une galga comme ça ?
C’est la question que l’on ne doit jamais se poser lorsque l’on décide de donner sa chance à un galgo traumatisé.
Alors je ne me suis pas emballée et j’ai réfléchi, mais chaque matin c’était comme un couteau qui se retournait dans la plaie, j’allais la voir dans le hangar, c’était plus fort que moi.
Allée C, box 3,
Je n’avais même plus besoin de regarder le plan, je la trouvais les doigts dans le nez.
C’était comme si j’avais besoin de me faire du mal, encore et encore, comme si le fait d’aller la voir allait me faire changer d’avis.
Lorsque je la regardais trembler dans son panier, le regard vidé de tout espoir avec la peur au ventre rien que de me voir, je me disais que c’était de la folie de la réserver mais qu’il le fallait coûte que coûte, que je ne pouvais plus faire machine arrière, et pourtant je n’avais encore rien promis et j’étais libre comme l’air.
Le dernier jour j’ai enfin réalisé qu’il me serait impossible de la trahir, je le savais depuis le début à vrai dire, mais j’avais besoin de me convaincre que je ne pouvais pas faire autrement et que si je repartais sans elle sur ma liste, jamais je ne me le pardonnerai.
Alors j’ai appelé Steph qui attendait désespérément que je me décide.
« C’est bon, Steph, je ne peux pas la laisser, regarde, elle s’est fait bouffer par les autres chiens, ils vont finir par la tuer si nous ne la sortons pas de là. »
En fait ce n’était qu’un prétexte puisque cela fait un an qu’elle est là et qu’elle est encore vivante.
Vivante ?
Je ne sais pas si l’on peut dire qu’elle est vivante, elle survit juste dans ce milieu hostile, c’est juste ça : de la survie.
Alors elle s’est précipitée, Steph comme si elle avait peur que je ne change d’avis.
C’est bien mal me connaître, Steph, je ne change jamais d’avis…
Pauvre chienne terrorisée au bout de la laisse, qui marchait ventre à terre et qui glissait sur le carrelage encore mouillé.
Il ne faut pas mollir quand c’est comme ça, il faut marcher droit devant comme de rien n’était en oubliant les autres chiens qui se jettent sur les grilles en hurlant.
Ils deviennent fous quand on en sort un, ils hurlent comme des bêtes féroces, se jettent sur les grilles de leurs box et parfois on en entend un qui hurle plus fort et plus haut dans les gammes alors que les autres se taisent. C’est un cri pas ordinaire, un cri qui n’en finit pas, et on se dit que ça y est, qu’il va mourir sous les crocs d’un de ses congénères.
On serre les fesses, on cesse de respirer, et tout s’arrête, tout se fige
Et puis c’est le silence, on n’entend plus rien, enfin……
Ouf, cette fois encore on a échappé au pire, c’est ce qu’on se dit chaque fois.
Ça y est, on est arrivé au bout du couloir.
Alors on a fait les photos à la va-vite, on s’en foutait qu’elles soient belles ou pas.
Pour elle, là n’est pas le but, elle est quasiment inadoptable en l’état, comme une vieille bagnole il nous faudra la retaper, recoller les morceaux de son cerveau tout cassé.
Qui voudra s’emmerder avec une galga comme ça ?
Il lui faudra se reconstruire, il nous faudra la remettre en état, il lui faudra du temps, il nous faudra de la patience.
Et puis, vous savez quoi, vogue la galère, chaque fois je me dis ça : « Si on ne la fait pas adopter je la garderai. »
Allez, on la remet dans sa boite et moi, je suis soulagée, j’ai l’impression d’avoir fait une bonne action.
On passe à une autre, le même scénario catastrophe.
Salsa Allée B box 13
J’y vais, à mon tour de me lancer à l’assaut des allées.
Ça y est, ils se mettent tous à hurler, et moi, j’avance, j’avance droite comme un I en évitant de les regarder.
Enfin j’y suis, Allée B box 13.
Elle est là, fermée comme une huître la tête entre ses deux pattes et le dos vouté comme pour me supplier de ne pas la toucher.
Je la caresse tout doucement pour lui faire comprendre que non, je ne suis pas là pour lui faire du mal, mais elle ne comprend pas et se met en boule comme pour échapper à ce qui va lui arriver.
J’y vais franco, sans ménagement, et je la hisse hors de son box et je marche et je marche dans les allées sous les aboiements des autres chiens.
Et me voici dehors, ouf, j’y suis arrivée, Steph m’attend avec son appareil photo.
Je lui avais dit surtout de prendre des photos, il faudra que je fasse un article sur le blog pour les présenter tous ceux-là, il faudra que je plaide leur cause si on veut les faire adopter, ces galgos particuliers.
Il nous faudra « tapiner » encore et encore…, et c’est pas gagné !!
SALSA , la voilà ,elle n’a rien d’un démon, pauvre amour terrorisé, pauvre ange brisé par la main d’un homme qui l’a tellement maltraitée que jamais elle ne sera plus comme avant.
Avant quoi ? A-t-elle eu un avant ?
Non, je ne pense pas, ce que je sais, en revanche, c’est qu’elle aura un après grâce à Lévriers sans Frontières, un peu grâce à moi et beaucoup grâce à vous.
Allez, Salsa, on va s’aimer toutes les deux et tu verras on va la danser la Salsa.
N’aie pas peur, mon ange, là où je vais t’emmener rien ne pourra plus t’arriver.
J’aurai la patience de t’attendre, j’aurai la décence de ne jamais regretter de t’avoir réservée, j’aurai de l’amour à te donner et une place dans ma maison déjà bien remplie, mais tant pis je ne peux pas te laisser là, je ne peux pas t’abandonner à ton triste sort.
Voilà c’était le tome 2 de ceux qui n’ont pas eu la chance d’être réservés dès leur arrivée au refuge, le tome 2 de ceux qui n’auront pas non plus la chance d’être adoptés tout de suite non plus.
Ainsi va la vie…
Pour eux il n’y aura pas de coup de cœur, il n’y aura pas de coup d’amour mais juste un coup de chance peut-être…
Allez, on croise les doigts et on y croit.
Pour ces deux-là, nous n’avons pas fait les tests chats et je suppose que vous comprendrez pourquoi.
Mais bon, croyez- moi, elles y sont ok chats, comment ne pourrait-elle pas l’être ?
Elles sont toutes jeunes et déjà tellement brisées, Coral est née en 2013 et Salsa en 2012.
Coral et Salsa, deux drôles de prénoms qui chantent et qui dansent comme si c’était la fête.
Deux prénoms qui n’ont rien à voir avec ce qu’elles sont, car il n’y a plus rien qui pétille dans leur regard, plus rien du tout, que de la peur et de la terreur.