Aujourd’hui je vais vous parler de deux galgos particuliers, particuliers parce que justement ils n’ont rien de particulier.
Ils ne sont simplement que les oubliés, ceux qui sont là depuis plus d’une année et qui attendent désespérément leur ticket de sortie.
Quand nous allons à la Fondation, à n’importe quel moment de l’année, nous enfilons notre tenue de Père Noël et au petit bonheur la chance nous réservons ceux que nous emmènerons vers une autre vie.
Il y a ceux qui spontanément viendront vers nous et qu’il nous sera impossible de ne pas remarquer.
Il y a ceux qui resteront terrés au fond de leur box et qui au contraire ne nous regarderont pas tant l’espoir les a quittés d’être un jour remarqués…
Et puis il y a ceux que nous remarquerons mais que nous ne regarderons pas tant ils sont excités et aboient lors de notre passage dans les allées comme pour nous faire fuir.
Voilà comment nous réservons la majorité de nos chiens, sans parler de ceux qui sont à l’infirmerie ou de ceux pour lesquels Isabel nous demandera une aide particulière, parce qu’ils sont chers à son cœur pour des raisons de cœur justement, et ça, ça ne s’explique pas, on a tous un petit pincement à un moment pour un galgo particulier, et allez savoir pourquoi !
Lors de notre dernier voyage nous avons réservé 60 galgos pour deux transports, le premier aura lieu le 16 janvier et le deuxième le 19 mars.
Nous longeons les interminables allées de l’immense hangar… A, B, C, D…… là où les aboiements sont incessants, là où il ne faut pas trop s’attarder au risque de provoquer des bagarres tellement la tension est palpable.
Ce grand hangar, moi, j’y suis habituée, mais je me souviens parfaitement de la première fois où j’y suis entrée, j’ai été secouée, abasourdie.
On ressent tous la même chose la première fois et on n’a qu’une envie, sortir de là pour ne plus rien voir, ne plus rien entendre.
Elisa a pleuré, Steph ne pouvait plus parler, et le regard de Pat en disait tellement long qu’il n’y avait pas besoin de mots pour ressentir ce qui se passait en elle.
Moi, je ne sais pas, je ne ressens plus rien, je suis là pour sauver des vies, un maximum de vies dans un minimum de temps, et c’est en rentrant que tout se passe, c’est quand je rentre en France que j’évacue tout ça, j’ai beaucoup de mal à reprendre le fil de ma vie et je n’ai qu’une envie : repartir là-bas le plus vite possible.
Lorsque notre liste de galgos réservés commence à s’allonger, 40, 50… et que nous arrivons au nombre escompté…, c’est terrible de parler comme ça, de compter comme ça parce que nous voudrions tellement tous les sauver.
À ce moment-là nous nous interdisons de les regarder parce que vient très vite un sentiment de trahison, les regards de ceux que nous avons laissés hanteront alors nos nuits et nous y retournerons le lendemain en nous persuadant qu’il n’est pas juste de laisser celui-là pour X ou Y raison, et notre liste s’allongera inexorablement…
Il y a une autre liste que nous tenons absolument à respecter et à éplucher, ce sera celle qu’Isabel nous aura remise, celle où tous les chiens sont répertoriés par date d’arrivée.
Perseo,arrivée à la FBM le 05 /03/2014, bientôt deux ans, né en 2012
Alors nous commençons par une croix sur les premiers de la liste, les « taulards », ceux qui purgent leur peine depuis plus d’une année pour délit de « je ne sais quoi » ils ont juste été oubliés là.
Un peu comme pour nous sur le fichier du site, les galgos qui « traînent « en famille d’accueil n’intéressent plus personne, allez savoir pourquoi ! On s’interroge, « Tiens pourquoi est-il toujours là, celui-là ? », alors on se dit qu’il y a certainement une bonne raison alors qu’il n’y en a pas, c’est juste que ceux-là n’ont pas de bol !!!
Allez le premier de la liste : Perseo allée D box n°1, nous fonçons tête baissée, et Pat qui s’arrête stupéfaite.
« Ah c’est lui, je suis passée plusieurs fois devant son box et chaque fois il m’aboyait dessus ! Mon premier réflexe a été de penser : oh, il est pas commode celui-là...
Tu te rends compte, Odile, il est là depuis mars 2014 »
Alors là, elle entre dans le box et s’accroupit, et il s’approche d’elle en faisant des ronds de jambe, l’air de dire : Ah quand même, tu as fini par me voir??
C'est un grand galgo costaud, beau bringé.
Alors pourquoi est-il encore là???
Nous ne comprenons pas, il est négatif leishmaniose, mais peut-être n'est-il pas Ok chats ?? Il est certainement là, le « loup », en effet il y a des chats dans bon nombre de familles aujourd’hui, alors les galgos qui ne sont pas compatibles portent un lourd fardeau.
Du coup, elle s'y colle à vitesse grand V et fonce gaiement à la chatterie avec son Perseo au bout de la laisse qu’elle tient fermement et fièrement.
Et moi, je la regarde partir et je me dis « T’inquiète, Pat, même s’il n’est pas OK chats, on le ramènera quand même ton Perseo , on ne va pas le laisser là, le vieux taulard »
Et je la vois revenir toute guillerette, sautillant comme s’il y avait des ressorts dans ses bottes en caoutchouc.
Ben si !! Perseo est ok chats !!
Et nous applaudissons comme si nous avions décroché le cocotier, c’est tout juste si nous n’avons pas entamé une danse du ventre, que ça fait du bien ces moments de bonheur au milieu de tant de détresse.
Il est en bonne santé, beau spécimen de la gente masculine, et même s’il avait été malade et même s’il avait été moche il était déjà trop tard pour nous, nous l’aimions déjà.
Allez hop, vieux taulard, on lui enfile le collier bleu.
Et nous repartons à l’assaut du hangar, deuxième sur la liste : Moreno , allée B , box 11.
Moreno , arrivé à la FBM le 25/ 09/2014 , né en 2012
Et je la vois devant moi, elle fonce, elle fonce, elle commence à connaître les allées par cœur.
C’est un grand noir qui se recroqueville dès que nous croisons son regard, un grand « benêt », un grand doux qui ne ferait pas de mal à une mouche.
Alors on le sort, il est terrorisé et se demande bien à quelle sauce nous allons le manger. Pauvre galgo, mais qu’a-t-il dont fait pour mériter cela.
Allez rebelote, et la revoilà sautillant dans ses bottes et elle fonce directement aux tests chats, elle est heureuse, la Patricia, elle qui aime tant les grand mâles, là voilà servie !!
Vous avez deviné, pas la peine de lui demander, il est ok chats, c’est gros comme le nez au milieu de la figure tellement elle est radieuse.
Allez Reservado, toi aussi, tu as gagné ton ticket pour la France !!
Merci, Odile, me dit-elle, le sourire aux lèvres et les yeux pleins de pépites.
Pas besoin de me dire merci, merci pour qui, merci pourquoi, moi qui les aime tant.
C’est tout pour aujourd’hui, je vous présenterai les autres plus tard, pas tous à la fois, regardez ces deux-là et ayez pitié.
Si mes mots ont touché votre cœur, si mon texte ne vous a pas trop barbé et que vous l’avez lu jusqu’au bout, je sais il est long mais je n’ai pas pu m’arrêter d’écrire ce matin, je pourrais vous parler d’eux pendant des heures, de ces galgos particuliers qui sont trop souvent les grands oubliés.
Si vous avez un coup de cœur mais un vrai, pas un coup de cœur comme ça, histoire de vous passer le temps, vous savez un coup de cœur qui vous fait mal, celui qui ne vous quitte pas au point que vous allez vous réveiller la nuit pour le chasser et tenter de passer à autre chose.
http://www.jotform.co/form/33494167753867
Eh bien, si vous ressentez cela, si c’est un coup de cœur qui pique fort et qui ne vous quitte pas, n’hésitez pas à remplir le formulaire de demande d’adoption en ligne.
En revanche, si c’est un coup de cœur compulsif, vous savez celui qui ne fait pas mal mais qui va juste vous permettre de passer un petit moment à vous persuader que votre vie va changer parce que vous allez faire une bonne action.
Non, de ces coups de cœurs-là, nous n’en voulons pas, surtout ne remplissez pas le formulaire.
Merci de m’avoir lue et à bientôt pour les présentations des autres taulards.