Hier encore elle n’était personne, juste un numéro, le 270 et elle allait mourir.
Juste une galga qui allait mourir dans une perrera sordide, quelque part au fin fond de l’Espagne
À quoi bon la nourrir, à quoi bon la soigner puisqu’elle était destinée à être sacrifiée.
C’est comme ça que ça se passe dans les couloirs de la mort.
Son heure avait sonné, le jour J était arrivé, les 12 jours pas un de plus.
12 jours à attendre la mort dans la crasse et l’humidité, à supporter la douleur d’une vieille blessure, le ventre vide, 12 jours d’agonie avant d’avoir le droit à la délivrance, enfin.
Elle allait finir comme des milliers d’autres. La mort devait être sa dernière et ultime récompense.
Valentina du refuge d’Arco Natura nous avait demandé de l’aide pour elle, il y a quelques jours déjà.
Je n’avais dit ni oui ni non, je n’avais rien dit.
Une sorte de « déni » avec l’espoir que quelqu’un d’autre lui sauverait la vie alors qu’au fond de moi je savais parfaitement que ce ne serait pas le cas.
Mais nous avons déjà tant de galgos réservés dans nos petits refuges que je me sens parfois dans l’obligation de dire NON
Un NON qui résonnera dans ma tête comme un boomerang et qui me fera passer des nuits blanches à me retourner sans cesse et à penser à celui ou à celle que j’ai condamné.
Le NON qui tue, le droit à la vie ou à la mort, c’est moi qui en décide.
C’est juste abominable, c’est juste insupportable.
Alors après quelques nuits sans sommeil, je finis toujours par dire OUI même si je sais que ce sera compliqué, parce qu’il s’agit d’une vieille ou d’un vieux ou d’un boiteux.
Les vieux et les vieilles sont difficilement adoptables, ils ne font pas recette, très peu de gens ont la bonté de cœur de faire ce geste d’amour ultime, celui d’ouvrir leur foyer à un de ces déshérités, qui en ont pourtant tellement bavé pendant des années.
Comment pourrait-on demander à nos bénévoles espagnols d’aller en perrera sortir des galgos mais pas tous, juste ceux qui seront potentiellement adoptables.
Et les autres, devons-nous les laisser au rebut ?
NON, nous n’en avons pas le droit, si nous faisions cela nous serions pires que les galgueros.
Je vous en conjure, que vos regards se portent sur ceux-là.
Que votre cœur batte pour ceux qui ont tant souffert même si celui-ci doit être en mille morceaux dans quelques mois ou quelques années, votre souffrance ne sera jamais à la hauteur de ce qu’eux ont enduré tout au long de leur pauvre vie de misère.
Hier nous avons donc sauvé in extremis ces deux galgas
Gala, son âge avait été estimé à 10 ans par la perrera, certainement à cause de son état déplorable, ils ne prennent pas la peine de regarder les dents, c’est au pif qu’il donne un âge approximatif. À quoi bon perdre du temps ? Qui se souci de l’âge d’une galga qui va mourir ?
Dès sa sortie de perrera elle a été emmené chez le vétérinaire, il l’a estimée beaucoup plus jeune.
Elle a une vilaine fracture recalcifiée.
Moka n’était pas prévu au programme, on ne savait pas qu’elle était là, elle venait tout juste d’arriver.
Alors on l’a embarquée aussi. Comment aurions-nous pu la laisser ?
Il était temps pour ces deux- là, il était temps...
Allez, bienvenue chez Lévriers sans Frontières, Gala et Moka !
Il parait que quand on aime, on ne compte et moi je les aime follement alors je suis heureuse d'avoir dit OUI.